J’ai titré ce message : « mécaniciens d’art », mais on pourrait aussi bien dire : « passion du modèle réduit »…ou mieux encore « sculpteurs d’automobiles ». On pourrait faire ce commentaire : « crazy men », ou encore « fondus de modèles », ou « malades de mécanique… »
Nous sommes à Rétromobile. Mercredi 2 février. Premier jour. La foule s’est amassée dès 10 heures, mais l’entrée n’est qu’à onze heures, pour laisser les derniers exposants se préparer. Les visiteurs qui n’ont pas de billet font la queue jusqu’aux escalators, empêchant ceux qui ont un billet de monter à l’étage. Alors il faut se faufiler entre les jambes, et arriver jusqu’aux vigiles. Escalade entre les rangs serrés. C’est plein à craquer et on ne peut même pas présenter son billet alors qu’on a eu la prévoyance de l’acheter à l’avance. Petit à petit enfin, la queue se dissipe, chacun est identifié avec un lecteur code-barres, et c’est l’accès vers la Mecque des stands.
Il y a au moins deux catégories de visiteurs : ceux qui vont vers les voitures anciennes, plus neuves que neuves comme on dit en Suisse. Et ceux comme moi, les amateurs d’automobilia. L’automobilia c’est ce qui est vendu au début des ventes aux enchères. Artcurial ne fait pas exception avec un catalogue pléthorique, rempli de mascottes de radiateur plus fascinantes les unes que les autres, avec des verres de Lalique éclatants ; et des petites femmes Art-Déco, en argent, mignonnes comme tout. Où les exposants trouvent-ils tout ça ? ?
Et dans l’automobilia, il y a encore une catégorie spéciale : celle des maquettes. Enfin il y a les maquettes « normales », l’échelle habituelle est devenue le 1/16°, et les chinois qui fabriquent pour la maison allemande CMC font merveille avec leurs nouvelles Bugatti. Ils sortent justement l’Atlantic, en bleu France et en noir. Et il y a les maquettes d’exception. Celles-là sont généralement à l’échelle du 1/8è, deux fois plus grosses que les précédentes, suffisamment petites pour être emportées dans une (grande) boite ; et suffisamment grandes pour que l’on voie tout, tout, tout….Le plaisir est de compter les boulons, et de vérifier si le fil a bien été posé entre les vis, pour les empêcher de se dévisser à cause des vibrations. Alors les maquettistes n’en oublient aucun évidemment, ils sont jugés là-dessus, entre autres !
Moi c’est surtout ça que je cherche maintenant, en tentant de me tenir informé du dernier chef-d’œuvre des « mécaniciens d’art ». Il n’y en a à vrai dire que quelques uns (on compte sur les doigts de la main gauche). Et comme il leur faut un an en moyenne pour parachever leur modèle, on admire tous les ans le chef-d’œuvre concocté durant l’année précédente.
Et comme un stand coûte très cher (le même prix cette année 2011 pour 8 jours que l’année précédente où le salon durait deux fois plus de temps), les maquettistes (dont le salaire ne rentre souvent qu’une fois par an) exposent leur modèle là où un mécène leur autorise le dépôt, sur une surface au sol de la dimension d’une vitrine ou d’un comptoir, soit pas davantage que 60 centimètres sur 30, tant le prix au mètre carré est élevé.
Il me faut absolument voir un chef d’oeuvre : celui de Laurent, dont je connais déjà le travail sur le site que je vous indique plus bas. Il a commencé par une Land Rover au 1/8°, et c’est époustouflant. Il paraît qu’il expose un OVNI, j’ai hâte de voir comment il s’en est sorti !
C’est quoi le must de l’automobile ? Si vous dites que c’est la Bugatti Atlantic , celle que possède aujourd’hui Ralph Lauren, vous ne risquez pas de vous tromper. Bugatti n’en a construit que trois vraies. C’est une voiture mythique conçue par son fils Jean avant son décès prématuré. Vous savez qu’avant guerre une voiture était composée d’un châssis métallique. D’un bâti bois fait à la main. Et d’une carrosserie faite de plaques fines posées à la main sur l’ossature. L’ossature, le squelette si vous voulez d’une Atlantic est en soi une œuvre d’art, tellement les lignes sont à la fois fluides et complexes, se déroulent dans les trois dimensions, et sont optimisées au strict nécessaire.
Alors Laurent depuis un an dessine à l’ordinateur l’ossature de l’Atlantic. Pour en extraire les gabarits de chaque « vertèbre », de chaque « côte », de chaque élément. Et ensuite, il taille chaque pièce une à une et la met en forme à la lime. Et enfin, tout étant taillé au 1/10è de millimètre, tout s’ajuste à la perfection, et collé, prend vie pour présenter les formes de la voiture finie.
L’OVNI, c’est un squelette d’Atlantic au 1/8° : un squelette en Iroko, bois exotique de couleur jaune, qui selon les pièces montre le fil ou la coupe, et ressemble aux chefs d’œuvre des compagnons du Tour de France quand ils fabriquaient des modèles réduits de charpentes ou d’escaliers. Tout y est : les deux portières avec leurs trois charnières torturées pour s’ajuster aux courbes en 3D de la carrosserie. L’arête centrale au milieu du pare-brise. Le cercle dorsal, qui renforce la coupole cachant la roue de secours.
Et le tout, fragile ossature de bois précieux, est ajusté (quand je dis ajusté il s’agit de quelques dixièmes de millimètres limés patiemment à la main) sur deux longerons de métal. Les longerons d’une Atlantic, pour les spécialistes d’une 57S qui signifie châssis surbaissé, sont une merveille eux aussi car ajourés (pour laisser passer le train arrière) ; ajourés pour les poutres transversales, imitant avec tous leurs boulons le châssis de la vraie, jusqu’aux initiales EB ressortant en bout d’axes et fignolées dans du laiton bruni.
Ouf, que c’est beau…posé sur un socle noir, supporté par des longerons d’acier poli…
Incredible détails….
C’est sur le stand Vendiesse, pour quelques jours encore !
Vous pouvez même vous l’offrir !
Pour voir tout d’une Land Rover au 1/8° :
jusqu'à la fin on se dit : "il a photographié la vraie ! ..."
jusqu'à ce que la vidéo se termine avec le vrai Laurent derrière...
qui donne l'échelle de son modèle