Ceci est mon blog d'origine, à consulter avec ses pendants : "Mes amis papillons" et la "Gazette des arts"

mercredi 9 novembre 2011

in calcia

En 77 av. J.-C, Pompée qui a reçu le surnom de Magnus, (le Grand, tel Alexandre),  est envoyé en Hispanie pour lutter contre les derniers partisans de Marius. Après de nombreux combats, il réussit à vaincre les troupes de Sertorius qui a été assassiné par l'un de ses hommes, Perpenna. Nous sommes en -74, sur la route de retour vers l’Italie, et il passe par ce qui n’était pas encore Encausse les Thermes. Mais « in calcia », désignant les eaux chaudes d’une source thermale. Son armée est épuisée, ses chevaux assoiffés. Ils s’abreuvent à la source, et légionnaires et montures retrouvent leur belle énergie.














C’est l’eau qui en est la cause ! Il y a toujours plein de métiers dans une armée romaine, et les chercheurs de sources repèrent la faille et la captent. Et ils installent des baignoires (en marbre de Saint-Béat naturellement) ! Pompée ne s’arrête pas là, et passant par Capvern, il découvre et aménage les sources du Bourridé et Hount Caoute, et en fait les Aquae Convenarum. Nom de toutes les sources de notre pays Convène, capitale Saint-Bertrand de Comminges, nommée aussi Lugdunum. Je vous ai raconté par ailleurs l’astuce des romains pour alimenter Saint-Bertrand en eau depuis la résurgence de Tibiran. Dans ex Strabonis Libro IV « de Gallis », on peut lire : Mediterranea autem&montana terram habent meliorum : ad Pyrenam Convenarum agrum, in quo urbs Lugdunum, thermae onefiae praeftantiffimae, aqua ad potum optima, bone eft etiam Aufciorum terra…















Littéralement : Le top des eaux potables !…




Grand blanc de l’Histoire pour arriver au XVIè siècle :  Marguerite de Valois, épouse d’Henri IV, fait une cure à Encausse. Au XVIe siècle c'était encore une expédition pour accéder même à Cauterets. C'est ce qui nous a valu l’Heptameron de Marguerite mais pas de Valois : de Navarre. Celle-ci avec ses compagnons, dont Brantôme, l'auteur de la Vie des Femmes Galantes, fut bloquée au fond d'une gorge par un éboulement de rochers après un violent orage. En attendant les secours qui n'arrivèrent qu'au septième jour, ils passent la moitié de leur temps en prières et lectures de la Bible, et l'autre moitié à raconter de bonnes histoires. Brantôme y contribua, et Marguerite de Navarre, s'inspirant du Décameron de Boccace, composa l’Heptameron (7 jours). Plus tard, Amboise Paré envoya des blessés de guerre d'Italie dont les plaies traînaient dans nos stations pyrénéennes notamment aux Eaux-Bonnes, "eaux d'arquebusade" disait-on.


Le poète Du Bartas  a consacré quelques vers à Encausse, baigné par les eaux du Job.

Or comme ma Gascogne heureusement abonde
En soldats, bleds et vins, plus qu’autre part du monde,
Elle abonde de mesme en baings non achetez
Où le peuple étranger accourt de tous cotez :
Où la femme brehaigne, où le paralytique,
L’ulcéré, le gouteux, le sourd, le sciatique,
Quittant du blond soleil l’une et l’autre maison
Trennent sans desbourser leur prompte guérison :
Encausse en est témoing, et les eaux salutaires
De Cauterets, Barege, Aigues-caudes, Baigneres…












L’établissement thermal que l’on voit aujourd’hui est l’oeuvre de l’architecte Chambert à qui l’on doit aussi l’établissement de Luchon.

Le fresquiste Nicolaï Greschny, appelé en 1949 à peindre le baptistère de l’église paroissiale d’Encausse, orne la buvette des Thermes d’une ample fresque, à la gloire des eaux thermales, et ressort la devise latine : aqua ad potum optima.















Il faut dire que pour accompagner la cure et en augmenter les effets, on servait aux curistes le "bouillon aux herbes", composé de poireaux, arroche, épinards, laitue, oseille, poirée ou pourpier et d'ortie. Avec ce régime végétarien, arrosé de bons bols d’eau chaude, nul doute que les curistes se portaient mieux après !

 Durant les travaux des thermes, l'eau de l'ancienne source thermale est évacuée dans le caniveau où se forment des filaments verts ressemblant à des algues. Il s'agit de barégine, composée d'algues bleues et de bactéries présentes dans le souffre. Elle donne parfois à l'eau une odeur d' oeuf pourri. Etudié pour la première fois à Barèges qui lui a donné son nom, ce "plancton thermal" possède des vertus cicatrisantes, anti-inflammatoires et antibiotiques. A Barèges, la barégine est une véritable manne, entrant dans la composition de baumes apaisant les douleurs articulaires et musculaires. 


Attention quand-même à ce qu’on vous fait ingurgiter quand vous allez en cure !

Tout le monde n’a pas la constitution d’un légionnaire romain de retour d’Hispanie !